jeudi 10 février 2011

Les ONG africaines déploient la révolution numérique sur le terrain

Tous les acteurs participent à la « révolution numérique » dans les pays en développement, Etat, entreprises, mais aussi les ONG. Le terme de révolution reflète les profondes mutations apportées par la magie des nouvelles technologies de l’information (téléphonie mobile, Internet et satellite). Ces outils à fort effet de levier génèrent de nouveaux usages pour d’innombrables utilisateurs, jusque-là laissés à la marge, englués dans le « fossé numérique », une exclusion aussi baptisée "fracture numérique".

En Afrique, où Internet passe souvent directement par la téléphonie mobile, les associations de terrain imaginent de nouvelles applications, qui répondent besoins spécifiques de la population locale, tels qu'elles peuvent les observer sur place. Il peut bien sûr s’agir de pratiques déjà expérimentées ailleurs, comme en Inde, mais souvent ce sont de véritables innovations sociales, qui n’existent nulle part ailleurs, du sur-mesure souvent d'abord expérimental.

Le savoir-faire des ONG est éprouvé, puisque le jury du Forum NetExplorateur 2011 vient de reconnaître l’originalité et l’utilité sociale de la plateforme mPedigree. Développé au Ghana depuis janvier 2008, mPedigree est une organisation à but non lucratif, qui permet aux consommateurs africains de vérifier l’authenticité d’un médicament. Il leur suffit d’entrer le code unique attribué à chaque boîte, le numéro d’identification, via 1 simple SMS.

Cette plateforme innovante est le fruit d’un partenariat avec des entreprises comme HP, l’opérateur mobile Zain, des laboratoires pharmaceutiques et des instances gouvernementales de santé. Ce dispositif est actuellement en cours de déploiement au Niger, en Tanzanie, au Kenya, en Ouganda et au Cameroun. Une initiative encouragée par Ashoka, le Word Economic Forum et TED. La réunion de toutes ces compétences complémentaires s’explique par l’intérêt général que représente ce projet.

La lutte contre le fléau de la contrefaçon (produits toxiques, produits sous dosés, produits sans principe actif) est en effet une priorité internationale. C’est d’ailleurs un des combats de la Fondation Chirac. Selon le site Internet du Leem (Les Entreprises du Médicament), la contrefaçon concerne aujourd’hui 10 % du marché mondial, soit la bagatelle de 45 milliards de dollars. Mais, pour la FDA (US Food and Drug Administration), il faut relativiser ce chiffre en fonction de la zone géographique. Dans certains pays d’Afrique, jusqu’à 50 % des médicaments disponibles sont contrefaits (OMS). Cette pratique criminelle tuerait chaque année plus de 100.000 personnes en Afrique.

Dans son dernier livre, qui a fait l’objet de mon précédent post, Jacques Bonjawo, dirigeant expérimenté qui vient de lancer une start up en télémédecine, décrit la façon dont les technologies de l’information et de la communication (TIC) constituent une opportunité pour les pays en développement. Parmi les nombreux promoteurs de changement qu’il met en évidence, les associations figurent en bonne place.

Au Sénégal, le Trade Point Sénégal (TPS), qui a le statut de Fondation, propose des prestations à ceux qui souhaiteraient se lancer dans le e-commerce, avec des formations dédiées et un service d’incubation.

Au Kenya, le projet DrumNet, lancé par l’ONG Pride Africa, permet aux agriculteurs locaux de se renseigner sur les marchés en temps réel et d’obtenir des conseils techniques. Des centres de soutien ou info-kiosques sont équipés d’un ordinateur, d’une capacité par réseau commuté et d’un téléphone cellulaire, le tout relié au courtier en informations. Ce système propose également aux paysans pauvres d’acheter à crédit des biens de première nécessité pour l’exploitation, comme des engrais et des clôtures. Cette technologie a permis à ces derniers de prendre de meilleures décisions, d’augmenter leur productivité et réduire leur pauvreté.

Autre innovation très originale, des associations récupèrent les caractères non utilisés des SMS. De nombreux SMS comprennent moins de caractères que ce qui est prévu dans les forfaits (160 caractères maximum). Or, ces SMS sont facturés, quelle que soit leur taille. Une entreprise technologique sud-africaine a donc développé un logiciel qui permet aux organisations gouvernementales et aux ONG d’utiliser ces caractères inemployés pour certaines causes. Dans le cadre du projet Masiluleke, ces SMS sont réutilisés pour envoyer des messages de prévention contre le VIH dans la région de KwaZulu-Natal. Un million de DSMS est envoyé par jour qui invite l’abonné téléphonique à se faire dépister et les malades à effectuer leurs visites de contrôle.

Project Masiluleke from PopTech on Vimeo.

L’association panafricaine SchoolNetAfrica, fondée en Namibie en 2000, pousse à l’intégration des TIC dans les programmes scolaires. Elle mène une campagne « Un million de PC pour les écoles africaines ».

L’organisation caritative britannique Computer Aid International récupère les ordinateurs auprès d’entreprises des pays développés, comme Virgin Group, pour les remettre en état et les redistribuer, notamment aux écoles et aux hôpitaux (voir la vidéo). Grosse entreprise de l’Afrique de l’Est, la société Safaricom emploie même des personnes mal voyantes, qui ont suivi le Computer Aid Project à Nairobi.


Pour aller plus loin :

Jacques Bonjawo vient d’achever un ouvrage de référence, dans lequel il décrit la façon dont les technologies de l’information et de la communication (TIC) constituent une opportunité pour les pays en développement : "Révolution numérique dans les pays en développement : l'exemple africain" aux Editions Dunod en partenariat avec RFI.
http://ong-entreprise.blogspot.com/2011/02/la-revolution-numerique-offre-de.html

Associations citées dans ce post

mPedigree
http://www.mpedigree.net/mpedigree/index.php

HP and African Social Enterprise mPedigree Network Fight Counterfeit Drugs in Africa
http://www.hp.com/hpinfo/newsroom/press/2010/101206b.html

Pride Africa
http://www.prideafrica.com/index.php

Project Masiluleke
http://www.nationalgeographic.com/field/projects/project-m/

Envie d'en savoir plus?:


Afrique: L'essor des services médicaux virtuels par téléphone mobile
http://www.balancingact-africa.com/news/fr/edition-en-fran-ais/148/convergence/afrique-lessor-des-s/fr

Le projet d’insertion des jeunes filles de Teyaret dans le domaine de l’Informatique a été initié par l’ONG Fondation des Actions Humanitaires (FAH) en collaboration avec l’Open Society Initiative for West Africa (OSIWA).
http://www.osiwa.org/spip.php?rubrique65

Mobile Experiences in Developing Countries
http://socialmarketing.blogs.com/r_craiig_lefebvres_social/2008/05/mobile-experien.html

AfricanEconomicOutlook.org est né de la mise en ligne du rapport annuel sur les Perspectives économiques en Afrique. Tout comme le rapport, Africaneconomicoutlook.org combine l’expertise de la Banque africaine de développement, du Centre de développement de l’OCDE, de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, ainsi que celle d’un réseau de think tanks et de centres de recherche africains. Sa large couverture du continent et ses méthodes rigoureuses d’analyse en font selon ses propres termes un outil essentiel pour tous ceux qui souhaitent comprendre les développements économiques, sociaux et politiques des pays africains.
L’innovation au service du développement
http://www.africaneconomicoutlook.org/fr/in-depth/innovation-and-ict-in-africa-2009/pro-development-innovative-applications/

Une belle initiative au Brésil, qui a fait tache d’huile :
Le Center for Digital Inclusion (CDI), présent dans 13 pays d’Amérique du sud et qui a touché 1,3 million de bénéficiaire. Fondé en 1995 par Rodrigo Baggio, Ashoka Fellow. Nom d’origine Comitê para Democratização da Informática.
http://cdiglobal.org/



L’Observatoire Netexplorateur

Observatoire indépendant, créé en 2007 par Martine Bidegain et Thierry Happe, sous le haut patronage du Sénat, Netexplorateur cultive une démarche innovante et singulière pour étudier la société numérique en l’approchant par les nouveaux usages. A travers son réseau de captation international, l’Observatoire Netexplorateur défriche le monde à la recherche des usages émergents les plus prometteurs, afin de les faire connaître aux décideurs de son réseau d’entreprises partenaires et adhérentes, aux médias et dirigeants politiques. Pas moins de 500 nouveaux usages sont identifiés chaque année pour nourrir le Palmarès Netexplorateur 100 édité par l’Observatoire depuis trois ans. La 4ème édition du Grand Prix 2011 du Forum NetExplorateur s’est tenue début février dans un lieu symbolique, au Palais de l’UNESCO à Paris.
http://www.netexplorateur.org/


Netexplorateur 2011 (VF)
envoyé par netxplorateur. - Vidéos des dernières découvertes scientifiques.

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Face à la pénurie de moyens et aux limites de ce genre d’accompagnement, une solution de sortie de la misère a été imaginée, qui se sert de la technologie au service du lien social.
http://ong-entreprise.blogspot.com/2009/11/les-plus-demunis-retrouvent-du-lien.html

Nokia India se plie en 4
http://ong-entreprise.blogspot.com/2009/08/nokia-india-se-plie-en-4.html

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