mercredi 11 mai 2011

Développement durable : Lafarge n’avance pas seul















Le groupe Lafarge, qui a dégagé un chiffre d’affaires de 16,2 milliards d’euros en 2010, vient de publier son rapport de développement durable. Ce document offre une vision dynamique du cimentier, qui utilise une batterie d’indicateurs chiffrés suivis dans le temps et faciles à lire.
Il en ressort des données dans les domaines les plus divers :

  • Les émissions de C02 par tonne de ciment produite par Lafarge dans le monde ont baissé de 21,7% (contre 20,7% en 2009) par rapport à 1990, soit 600 kg par tonne contre encore 774 kg en 1990.
  • En 2010, le groupe a atteint son objectif de mesurer les émissions de polluants persistants dans tous ses fours afin, dans un deuxième temps d’appliquer de bonnes pratiques visant à les réduire.
  • 94% des carrières en activité ont été passées en revue selon des critères établis par le WWF International. Elles n’étaient que 69% en 2009.
  • Une réflexion est engagée sur l’exploitation de l’eau dans le cadre du projet international “empreinte hydrique” qui permet d’évaluer les enjeux pour ses sites industriels en fonction de la disponibilité réelle de l’eau douce dans les différentes régions.
  • Nouvelle baisse du nombre de jours perdus à cause d’accidents du travail.
  • Le programme de bonnes pratiques mis en place en Afrique dans la lutte contre le HIV/Sida et la malaria a été étendu à la Russie et à l’Ukraine.
  • Les investissements dans le domaine de la sécurité et de l’environnement ont atteint 88 millions d’euros en 2010, en baisse de presque 50% par rapport à 2008 (157 ME), en raison de la crise.
  • Lafarge emploie désormais 31% de ses salariés dans des pays où les droits de l’homme (selon Freedom House’s Freedom in the World 2010) ne sont pas garantis. A comparer à 11% seulement en 2005.
Le leader mondial des matériaux de construction a su s’entourer très tôt d’experts pour mener à bien sa politique de développement durable, comme l’illustre dans ce rapport les commentaires des membres de son panel de parties prenantes (stakeholders). Ses «amis critiques» balisent les étapes qu’il serait souhaitable selon eux que Lafarge franchisse dans les prochaines années. En outre, Lafarge a aussi noué des partenariats avec des associations de premier plan (le WWF depuis 2000, Care depuis 2003).

Au départ, le WWF a notamment aidé le groupe cimentier à identifier les indicateurs de performance environnementale les plus pertinents, pour la baisse de ses consommations d'énergie, la limitation de ses émissions, etc. Ainsi qu’à développer une stratégie de réhabilitation écologique des carrières en fin de vie, qui ne seraient plus laissées à l’abandon, avec notamment pour bénéfice la biodiversité.

Pour Bertrand Collomb, PDG du groupe jusqu'en 2007. Avec le recul,...

« cela a été une relation assez virile, mais nous avons progressé. Ce partenariat avec le WWF a été le début d’une approche où nous acceptions de nous laisser challenger par l’externe. Il a abouti à un état d’esprit où des gens extérieurs à l’entreprise peuvent poser des questions, et nous considérons que, s’ils les posent, ce sont de bonnes questions. Même si nos ingénieurs auraient vu les choses différemment».


Le partenariat Lafarge et WWF par LafargeGroupe


Si Lafarge est considéré par certains experts comme un « prime mover », avec les bénéfices que cela comporte en théorie, ses efforts en matière de RSE ne devaient pas compromettre sa pérennité face à des concurrents moins-disants socialement ou sur le plan écologique. C’est pourquoi Lafarge a voulu ouvrir les yeux de ses rivaux en lançant la Cement Sustainability Initiative (CSI). La CSI est une initiative sectorielle du World Business Council for Sustainable Development (WBCSD).

Les dix membres de la CSI se sont engagés en juillet 2002 à réviser leur processus de fabrication et leur vision du monde. Avec trois grands engagements : protéger le climat, préserver les ressources (matières premières naturelles et énergies fossiles) et assurer la santé et la sécurité des collaborateurs. Cette initiative se base sur le volontariat.

Aujourd’hui, les 23 membres du CSI représentent plus de 40% de la production mondiale de ciment, contre 29% en 2009. Un bond en avant récent, car 5 cimentiers chinois ont rejoint le club en 2009 et 2010. Des acteurs significatifs, qui pèsent 20% de la production de leur pays.

Depuis le début, la Cement Sustainability Initiative s’est dotée d’un conseil consultatif composé de cinq experts indépendants. Ils vérifient que cet élan collectif ne dévie pas de ses intentions initiales. Comme le Dr. Mostafa Kamal Tolba (Fondateur et Président de l’ICED; auparavant Executive Director à l’UNEP), le Dr. Claude Martin (ex DG WWF International) ou encore Zhang Jian Yu (Program Manager, Environmental Defense China Program).

La longue marche n’est pas finie, puisque 60% des cimentiers ne partagent pas cette philosophie. L’enjeu est donc majeur, car la production de ciment et de granulat est encore appelée à croître dans années à venir. Les marchés émergents poursuivent en effet des objectifs de développement légitimes et le phénomène d’urbanisation s’accroît. De ce fait, toute la démarche engagée par la CSI pourrait se révéler un coup d’épée dans l’eau.

Pourtant, l'implication croissante d’industriels en provenance des Brics semble indiquer que ces préoccupations gagnent du terrain. Des chiffres diffusés en juillet 2010 par la CSI, montrent que l’intensité en CO2 par tonne produite par 46 compagnies a reculé de 3,8% depuis 2005 et même 14,3% depuis 1990…

L’Initiative Ciment en donne plusieurs explications : de nouveaux modes de fabrication, de nouveaux fours à ciment (cement kilns), une meilleure efficacité énergétique et le recours à des fuels alternatifs. De plus, les nouvelles cimenteries construites en Chine seraient désormais toutes conçues à la pointe de la technologie.

Pour Lafarge, le travail déjà accompli n’est pas neutre. Outre la motivation du personnel, il faut savoir que la réhabilitation des carrières est devenue un argument commercial pour emporter un marché. Etre en avance est aussi bon en terme d’image. Début 2010, Lafarge a signé un accord volontaire avec l’Environmental Protection Agency (EPA) aux Etats-Unis, où il prévoit d’investir 128 millions d’euros en équipements afin de réduire ses émissions de SO2 et de NOx à des seuils inférieurs à la réglementation.

Dans le Rapport 2010, le panel de Lafarge souligne les dangers de la sous-traitance avec d’autres partenaires du secteur privé comme l’a montré l’an passé la catastrophe dans le Golfe de Mexico. Il relève aussi avoir eu des discussions franches concernant le projet de Lafarge d’une nouvelle implantation en Inde.
"Dans ses relations avec les communautés, le groupe Français reconnaît volontiers avoir rencontré des problèmes, notamment à Ravena dans l’Etat de New York et à Himachal Pradesh en Inde."
Les membres du panel appellent de leurs vœux l’émergence de technologies de rupture dans le monde de la construction, qui permettraient d’économiser de l’énergie, de prévenir une hausse des phénomènes climatiques extrêmes et la raréfaction de l’eau.
"Des bâtiments plus agréables à vivre, à des prix abordables afin aussi de lutter contre la pauvreté et réduire le stress urbain;"
Dans le détail, la variété des thèmes évoqués par le panel reflète la diversité de leur recrutement.

Il est aussi indiqué que 75% des ventes de Lafarge sont couvertes par un système de management écologique (EMS, environmental management system) et 45% par la norme ISO 14001. L’objectif de l’industriel est de parvenir à terme à 100%. Pour Frank Rose, personnalité indépendante du panel des stakeholders, les choses pourraient aller plus vite.

Pour Jean-Paul Jeanrenaud (WWF International), la réduction de certains polluants persistants constitue une priorité. Il faudrait aussi selon l’ONG mesurer la biodiversité liée à la réhabilitation des carrières par rapport à un référentiel comme celui de l’IUCN (International Union for Conservation of Nature).


De son côté, Alastair Mcintosh (Centre for human ecology) se réfère à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (septembre 2007), y compris des droits sur l’exploitation des ressources naturelles. Il appelle Lafarge a porté haut l’étendard de cette cause lors de l’étude de toute nouvelle implantation. Il cite expressément la question du « droit au libre consentement préalable et éclairé » (free, prior and informed consent, FPIC)

Marion Hellmann, Assistant General Secretary de Building And Wood Workers International (Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois, BWI) note que la part de l’outsourcing dans l’emploi total a atteint 30% chez Lafarge, alors que l’effectif du groupe continue de baisser.

Il demande à Lafarge de donner des indications sur la part des femmes travaillant dans l’outsourcing, car elles en sont souvent les principales victimes.

Selon lui, Lafarge doit également expliquer ce qu’il fait pour promouvoir les droits de l’homme et suivre les recommandations du Rapport Ruggie dans les pays où la situation des ouvriers et des syndicats est critique. Même chose concernant la composante humaine dans sa politique de supply chain.

Pour découvrir ce rapport :
http://www.lafarge.com/wps/portal/2_7-Rapport_de_developpement_durable?xtor=EPR-81



Cement Sustainability Initiative
http://www.wbcsdcement.org/

Le partenariat de Lafarge et Care contre le Sida a fait ses preuves. Juin 2009

http://ong-entreprise.blogspot.com/2009/06/le-partenariat-de-lafarge-et-care.html

« Critical Friends: The Emerging Role of Stakeholder Panels in Corporate”
Mars 2007

Accountability et Utopies
ont produit un rapport de recherche, qui étudie l’expérience des entreprises s’appuyant sur des panels de parties prenantes afin de conforter la stratégie de développement durable. Entreprises sondées : Areva, BT, BP, EDF, Camelot, Gaz de France, Ford, Nike et Vodafone. Le rapport fournit également un guide pratique pour la mise en place de panels efficaces et met en évidence comment ces panels peuvent contribuer à l’amélioration continue du reporting, de la gouvernance et de la performance de l’entreprise.
http://www.stakeholderpanels.net/

« Le développement durable : outil de compétitivité pour les entreprises françaises ».

Rapport de la Commission Ingénierie et Grands Projets. Groupe de Travail : Environnement
Comité National des Conseillers du Commerce Extérieur Français (CNCCEF) Octobre 2007
http://www.avenirdurable.org/IMG/pdf/08_rapport_DDurable_1_.pdf

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