lundi 11 juillet 2011

Le biomimétisme : ne pas souiller son nid, optimiser plutôt que maximiser

Le livre de référence sur le biomimétisme de Janine M. Benyus (en pleine démonstration sur la photo ci-contre) vient enfin d'être traduit. Méthode innovante, le biomimétisme cherche des solutions soutenables en s’inspirant de concepts et de stratégies ayant fait leurs preuves dans la nature : gérer les mégalopoles comme une forêt primaire, colorer des immeubles comme les ailes du papillon sans pigment ni produits chimiques, etc. L’édition originale de cet ouvrage a été publié en 1998 aux Etats-Unis sous le titre « Biomimicry, Innovation Inspired by Nature ». Il aura donc fallu 13 ans pour attendre qu’un éditeur français s’en empare, sans doute en raison de la trop grande segmentation des disciplines scientifiques dans l’hexagone. Janine M. Benyus est venue du Montana à Paris fin juin pour assurer la promotion de son livre et vanter les mérites d’une nouvelle approche révolutionnaire, susceptible de générer des innovations durables, le biomimétisme. Née en 1958, Janine est une scientifique américaine diplômée en sylviculture et en littérature. Méthode innovante, le biomimétisme cherche des solutions soutenables en s’inspirant de concepts et de stratégies ayant fait leurs preuves dans la nature : cultiver les aliments comme une prairie, filer les fibres comme une araignée, etc. Léonard de Vinci recommandait déjà « d'aller prendre ses leçons dans la nature ». En 1903, l’avion des Frères Wright est né de l’observation des vautours (portance, trainée). En 1943, dans son manuel de survie, l’US Naval Institute publiait un ouvrage, « How to Survive on Land and Sea », recommandant à ses soldats projetés en milieu hostile d’observer ce que mangent les animaux, car ces ingrédients ne présentent en général pas de danger pour la santé. Pour révéler les richesses de la nature, Janine M. Benyus a été amenée à conduire son enquête au croisement de nombreuses disciplines scientifiques. Ses travaux recouvrent la totalité des activités humaines comme l’agriculture, les matériaux (BTP, etc), l’énergie, l’informatique, le commerce et différentes thématiques : recyclage, économie d’énergie, efficacité, réduction de la pollution. En se fondant sur sa connaissance du terrain, Janine joue aussi un rôle d’alerte. Il est urgent de prendre en compte les risques de perte de biodiversité, du recours à des produits nocifs, que la nature parvient très bien à se passer, mais aussi de la pression démographique, qui pousse au pillage irraisonné de ressources naturelles.
« Pour le biologiste Wes Jackson, la notion de « ressources » devient indécente. »
Depuis 3,8 millions d’années, la nature n’a cessé de s’adapter sans hypothéquer le futur et sans pétrole. Si 99% des espèces ont disparues, celles qui subsistent méritent le respect : elles peuvent fournir des pistes de succès non pas à exploiter, mais à imiter. Tous ces organismes sont des modèles de prospérité.
Les dix commandements du Peuple de Séquoia - La nature fonctionne à l’énergie solaire. - Elle n’utilise que la quantité d’énergie dont elle a besoin. - Elle adapte la forme à la fonction. - Elle recycle tout. - Elle parie sur la diversité. - Elle valorise l’expertise locale. - Elle limite les excès de l’intérieur. - Elle utilise les limites en opportunités.
S’inscrivant dans la durabilité, les innovations apportées par le biomimétisme font souvent appel à une approche transversale, aussi bien dans l’observation de la nature que dans le design en entreprises. Mais, aussi d’éco-quartiers ou d’ensembles industriels, où plusieurs entreprises vont imaginer un écosystème (Kalundborg, Danemark). C’est pourquoi de nombreux biologistes ont été embauchés ces dernières années pour faire bénéficier les entreprises innovantes de leur expérience. Le livre permet aussi de mettre en évidence les avantages que retirent les entreprises pionnières, notamment en termes de brevets, mais aussi de réduction de coûts et d’anticipation de normes réglementaires (chimie). Si les marketers ont échoué à vanter certains produits naturels dans les années 70, les industriels peuvent sans doute aujourd’hui plus facilement en tirer un avantage en termes d’image, compte tenu de la montée des préoccupations environnementales. Parmi les entreprises citées, 3M dans la réduction des toxines dans ses produits, ATT dans l’écologie industrielle, Black&Decker, Déjà Shoe qui fabrique des chaussures à partir de pneus usés. De son côté, Canon invite ses clients à lui retourner ses cartouches d’encre vides de ses imprimantes et ses photocopieurs. La firme prend en charge les frais d’envoi et pour chaque l’envoi reverse un don de 5 dollars à la National Life Conservation ou à Nature Conservancy. Pour Daniel Chivas, Lessons from Nature ; 1992
"Davantage d’entreprises admettent que les technologies qui créent de sous produits que la société ne peut pas absorber sont des technologies qui ont fondamentalement échoué ».
Le livre s’inscrit bien sûr dans une mouvance plus large comme The Natural Step (TNS) et Cradle to Cradle. http://ong-entreprise.blogspot.com/2009/07/natural-step-pose-les-bonnes-questions.html Certains ouvrages peuvent avoir un impact insoupçonné, comme de fut le cas pour InterfaceFLOR, qui est basé à Atlanta. La lecture en 1994 par son fondateur Ray Anderson de deux livres, L'Écologie de marché, de Paul Hawken, et Ishmael de Daniel Quinn (1992), allait le pousser à faire de son groupe la première entreprise à démontrer au reste du monde le bien-fondé du développement durable. Dans la même veine, le WWF prône l’éco-conception. Un sujet qui figurait à l’agenda de son Université de rentrée 2010 sur la biodiversité. Ce livre qui comprend notamment un très bel éloge de la prairie et de l’observation du mode alimentaire des singes (comment ils se soignent), est remarquablement traduit. Il est très documenté et laisse augurer une série Initial DD très prometteuses aux Editions de l’Echiquier. Je regrette seulement l’absence d’un index. Au-delà de ce livre, qui plaide en faveur du partage de la planète, un site Internet est aussi en ligne afin de faire part des observations effectuées dans la nature, en open source. http://www.asknature.org/ Il s’agit d’éviter que certains industriels mettent la main sur des techniques développées par des animaux, des plantes ou des écosystèmes. Soit des millénaires de R&D, qui sont un bien commun à imiter et à préserver. Gare à la biopiraterie. Conférence Biomimétisme - Partie IV - Inspiré par les Ecosystèmes (Fondation Cousteau) Pour aller plus loin : Biomimétisme Quand la nature inspire des innovations durables Janine M. Benyus Collection Initial(e)s DD genre : Essai prix : 23 euros format : 150 x 200 mm nombre de pages : 400 pages date de parution : 4 mai 2011 EAN : 9782917770238 ISBN : 978-2-917770-23-8 Sommaire CHAPITRE 1 IMITER LA NATURE Pourquoi le biomimétisme, aujourd’hui ? CHAPITRE 2 COMMENT ALLONS-NOUS NOUS NOURRIR   ? L’agriculture adaptée à la terre :cultiver la nourriture selon le modèle de la prairie CHAPITRE 3 COMMENT ALLONS-NOUS PRODUIRE DE L’ÉNERGIE   ? De la lumière à la vie : recueillir l’énergie à la manière d’une feuille CHAPITRE 4 COMMENT FABRIQUER NOS MATÉRIAUX ? Adapter la forme à la fonction : tisser des fibres à la manière d’une araignée CHAPITRE 5 COMMENT POUVONS-NOUS NOUS SOIGNER  ? Des experts parmi nous : trouver des remèdes, à la manière des chimpanzés CHAPITRE 6 COMMENT STOCKER NOS CONNAISSANCES ? La danse des molécules : calculer à la manière d’une cellule CHAPITRE 7 COMMENT ALLONS-NOUS FAIRE DES AFFAIRES ? Fonctionner en circuit fermé : gérer une entreprise à la manière d’une forêt de séquoias CHAPITRE 8 ET APRÈS, OU IRONS-NOUS ? Que l’émerveillement ne cesse jamais : pour un avenir biomimétique La collection « Initial(e)s DD » Biomimétisme est le premier ouvrage de la collection « Initial(e)s DD », dont l’ambition est de mettre à disposition d'un public francophone les livres de ceux et celles qui inventent ou ont inventé le développement durable. Pour identifier ces livres fondateurs, Rue de l'échiquier bénéficie de l'expertise de Bruno Lhoste, directeur de collection. Diplômé en énergétique, Bruno Lhoste est directeur général d'Inddigo, société de conseil et d'ingénierie en développement durable. Il garantit à « Initial(e)s DD » la réalisation d'un objectif : faire progresser l’intelligence collective, ce bien commun indispensable au développement durable. http://www.inddigo.com/ Site personnel de l’auteur : http://www.janinebenyus.com/ Site d’infos : The Biomimicry Institute is a not-for-profit organization that promotes the study and imitation of nature’s remarkably efficient designs, bringing together scientists, engineers, architects and innovators who can use those models to create sustainable technologies. The Biomimicry Institute offers short-term workshops and two-year certificate courses in biomimicry for professionals, and helps to develop and share biomimicry-related curricula used in a range of educational venues, from K-12 classrooms to universities, as well as in non-formal settings such as zoos and museums. The Biomimicry Institute does not conduct its own research; rather, it serves as a clearinghouse and resource for those who do. http://biomimicryinstitute.org/ Un Blog très riche: Le blog des tendances design, technologies, architecture, web http://alltrends.over-blog.net/ 21 juin 2011.Tarkett, leader mondial des revêtements de sols et de surfaces Sportives, a obtenu la certification Cradle to Cradle® (niveau argent) pour sa gamme de produits linoléum. Et signe un partenariat avec l’institut allemand de recherche scientifique EPEA (Environmental Protection and Encouragement Agency) http://www.tarkett.com/group/sites/default/files/Lino%20C2C%20certification_FR_v3.pdf Photo de Janine prise en conférence de presse/blogueurs dans les locaux de MateriO. Centre indépendant d’informations sur les matériaux innovants, MateriO inscrit sa démarche dans celle du biomimétisme et figure parmi les lieux incontournables pour les designers, créateurs, artistes, industriels qui s’intéressent à l’éco-conception. http://www.materio.com/

1 commentaire:

Herrick du Halgouët a dit…

pour info
Depuis les temps les plus reculés, l’homme imite la nature. C’est là le principe fondateur du biomimétisme, démarche moderne qui consiste à observer et à reproduire des propriétés essentielles d’un ou plusieurs systèmes biologiques, pour mettre au point des formes, des matériaux et des procédés dans une approche innovante et durable. Depuis 3,8 milliards d’années, la vie a su s’adapter à son environnement. Selon le Conseil économique, social et environnemental (CESE), c’est cette capacité d’adaptation et cette exigence de durabilité qui pourraient faire du biomimétisme un outil de nos transitions énergétique et écologique, source d’inspiration et de solutions. En proposant d’examiner les applications actuelles du biomimétisme et en identifiant les freins à son développement, le CESE insiste pour que la France s’intéresse plus fortement à cette démarche et en fasse la promotion. Au travers de préconisations concrètes, le CESE rappelle que la France possède à la fois les savoirs et les compétences indispensables qui pourraient faire fructifier le biomimétisme.
L’avis Le biomimétisme : s’inspirer de la nature pour innover durablement a été présenté le 9 septembre par sa rapporteure Mme Patricia Ricard (Groupe des personnalités qualifiées), en présence de la présidente de la section de l’environnement Mme Anne-Marie Ducroux (Groupe environnement et nature). Il a ensuite été soumis au vote de l’Assemblée Plénière du CESE et adopté à l’unanimité de 164 votants.

DONNER DE LA VISIBILITE AU BIOMIMETISME COMME SOURCE D’INNOVATION DURABLE
Le champ lexical relatif au biomimétisme est aujourd’hui souvent inconnu du grand public et confus pour les autorités politiques et les décideurs économiques. Pour pallier ces imprécisions qui nuisent à son développement, le CESE souhaite que le champ et la nature du biomimétisme soient clarifiés afin qu’il devienne un outil clairement identifié de transformation durable des modes d’innovation et de production. Il convient en effet selon le CESE de s’inspirer des fonctions et de l’organisation du vivant pour viser une réconciliation de la technosphère et de la biosphère.
Si un nombre croissant d’entreprises s’intéresse avec succès au biomimétisme pour leur R&D, le CESE souligne que le mouvement reste à développer, comme aux États-Unis et en Allemagne par exemple. Il préconise en conséquence de recenser les entreprises et les équipes françaises de recherche concernées, et de réaliser une étude de marché nationale voir internationale pour rendre plus visible le potentiel économique du biomimétisme. Cette étude devra être complétée par la suite afin d’identifier les outils permettant d’évaluer et d’anticiper les retombées économiques et les impacts sur l’emploi.
La création du Centre européen d’excellence en biomimétisme de Senlis (CEEBIOS) est venue en partie combler l’absence d’espace commun d’échange et de réflexion sur le sujet. Face à l’ampleur du travail de cartographie des acteurs, compétences et travaux de recherche en cours, le CESE préconise de faire bénéficier le CEEBIOS d’un amorçage financier pour structurer la filière. L’objectif d’une telle préconisation est de permettre au Centre d’animer le réseau et de produire ses premières études. À terme, il est aussi de constituer une plateforme de compétences sur le biomimétisme, avec une ouverture sur l’ensemble des financements de recherche existants et des synergies avec les réseaux actuels ou à venir.

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