mercredi 30 novembre 2016

USA : la NRA, chien de garde du Deuxième Amendement

Lors de sa création en 1871, la National Rifle Association (NRA) avait vocation à promouvoir la chasse et le tir sportif. Elle est devenue au fil du temps, notamment depuis 1968, le fer de lance d’un discours qui veut que le port d’arme soit une liberté fondamentale. 

Dans le débat qui existe aux Etats-Unis, exacerbé par certaines tueries, la NRA s’oppose avec succès à toutes les tentatives d’encadrer la détention et le port d’armes. Fort d’une communication d’une redoutable efficacité, elle s’invite allègrement dans le jeu électoral. On lui prête la défaite d'Al Gore à l'élection présidentielle de 2000. 

D’après Le Monde, il y aurait presque 300 millions d'armes à feu détenues par des particuliers aux Etats-Unis (106 millions de pistolets, 105 millions de fusils et 83 millions de fusils de chasse). Le quotidien se base sur la dernière étude sociologique nationale (GSS) de l'année 2010 effectuée par le Centre de recherche national de sondage (NORC) de l'Université de Chicago. Il y aurait dans ce pays environ 30.000 personnes tuées chaque année par une arme à feu.

En 1791, date d’adoption du Deuxième Amendement, les citoyens étaient livrés à eux-mêmes. La conquête de l’Ouest a été faite par des pionniers, qui étaient alors sans institutions ni police.



Quelques chiffres sur la NRA : 
  • Plus de 4 millions d’adhérents 
  • De nombreux fans sur Facebook (5.086.479, soit +116% par rapport à avril 2013) 
  • 412.000 followers sur Twitter (+165% sur la même période). 
  • 125.000 instructeurs 
  • 7.000 instructeurs spécialisés notamment dans l’éducation des jeunes tireurs 
  • Un budget annuel de 250 millions de dollars selon les Echos, soit 15 fois plus que ses opposants - les associations anti-armes et le milliardaire Michael Bloomberg. 

1920: "Rifle shooting is a mighty fine sport."

Dans cette publicité de Remington dans Boys Life, la NRA est présentée comme une organisation gouvernementale, ce qui des faux, mais qui traduit des liens étroits à l’époque avec le pouvoir.



1951 : "A 50-Cent Junior Membership"

L’achat de cette carabine à air comprimé Red Ryder donne la chance d’adhérer à la NRA.



1957: "More fun with your guns!" L’aspect sportif est encore mis en avant.



1970 : "Hunters Bécarre !" Première opération de lobbying pour défendre le droit de chasser :




1973: "Only you can save hunting…"

La NRA pousse les chasseurs à réagir avant qu’il ne soit trop tard. "Tomorrow will be too late."



1982: "I'm the NRA"

Cette campagne montre que la NRA ratisse large, avec ici un enfant de 8 ans, mais aussi avec d’autres visuels, comprenant des femmes, des African Americans, des policiers et des personnes religieuses.

Une version plus récente a également été réalisée avec Tom Selleck et Karl Malone.



Fin des années 1980: "Why can't a policeman be there when you need him?"

Cette campagne loue les vertus de l’autodéfense.



Fin des années 1980:

"This is the most dangerous place in America." Les rues autrefois tenues par Jefferson, Lincoln et Truman sont maintenant aux mains des criminels. En plein Washington, à quelques encablures de là où dorment nos leaders, la violence règne. Ce message préfigure le slogan post-Newton accusant Obama d’être un hypocrite élitiste qui se cache derrière des gardes armés.

1995: Bill Clinton is "daffy."

Dans ce poster, la National Rifle Association rappelle que son combat n’est plus la chasse, mais le droit d’être armé.



1997: "Gun rights are lost on our kids."

Heston promet de lancer sur trois ans une croisade de 100 millions de dollars pour sauver le Second Amendment, garant de la paix dans le pays, surtout pour les enfants.



Janvier 2013

Pour Scott Meltzer, sociologue, la NRA est souvent mentionnée comme le lobby des armes. Ce serait selon lui une grave erreur de la cantonner dans ce rôle. Il s’agit d’une organisation qui repose sur ses membres. On ne parle pas ici de quelques lobbyistes à Washington. Ce sont 5 millions de croisés des armes à feu qui peuvent interpeller les membres du Congrès pour appuyer une loi ou l’écarter.

Comme certaines ONG ou marques commerciales BtoC, la National Rifle Association obtient de très fort taux d’engagement sur Facebook. Elle utilise d’ailleurs largement la vidéo. Et ses fans sont des amis.



Février 2013:

La NRA s’appuie régulièrement sur les réseaux sociaux pour faire connaître ses positions.



2013: "Are the president’s kids more important than yours?


 Dans la foulée du massacre de Newtown, la NRA prône la présence de gardes armés dans les écoles, alors qu’Obama est stigmatisé pour son hypocrisie, car ses enfants sont quant à eux protégés par les services secrets.



2014
Cette année, la NRA a réalisé une vidéo destinée à faire échouer la candidature en Louisiane de la Sénatrice Mary Landrieu. La Sénatrice souhaitait à l’époque renforcer les contrôles dans les armureries après le massacre massif en 2012 de la Sandy Hook Elementary School.


Cette campagne de déstabilisation simpliste du lobby des armes à feu était tellement mensongère qu’elle a obtenu « Quatre Pinocchios » de l’équipe Fact Checker du Washington Post, qui se basait sur une déconnexion totale entre les images à l’écran et les implications réelles de la loi en question.

#USA2016

Dans ce contexte, les candidats Républicains sont poussés à afficher leur goût des armes. Comme le montre cette enquête du journal britannique Telegraph.



#USA2016 :

La campagne contre Hillary Clinton dans la même veine que celle de 2014.

 


Pour aller plus loin : 

Avril 2013 : Article de Dave Gilson, senior editor chez Mother Jones, dont je me suis inspiré : This Collection of NRA Ads Reveals Its Descent Into Crazy
http://www.motherjones.com/politics/2013/03/national-rifle-association-ads-history

Novembre 2016 : Interview de Scott Meltzer, un spécialiste de la NRA, sur laquelle il a écrit un livre en 2009 : « Gun Crusaders : The NRA’s Culture War»
https://www.thetrace.org/2016/11/nra-donald-trump-gun-crusaders-scott-meltzer/

Avril 2013 : ONG américaines et réseaux sociaux :
https://goo.gl/8Wi0m2 

Octobre 2015, un dossier de l’Uqam : Mourir à l’école : Le coût de l’inaction politique
goo.gl/1gaUZT

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